Le développement du langage et les langues signées
Pourquoi on parle parfois de langage et parfois de parole ? Quelle est la différence ?
Tout de suite, une mise au point: il y a une différence entre le langage et la parole !
Le langage est un système abstrait qui inclut la connaissance du sens des mots et la capacité à organiser ces mots pour former des phrases. Les phrases se combinent pour exprimer des idées, des sentiments, pour raconter des événements, pour décrire des choses et des personnes, pour parler de la pluie et du beau temps.
Le langage humain se réalise dans les différentes langues (par exemple le français, la LSQ, l’espagnol, le vietnamien). Chaque langue a sa propre structure et ses règles de grammaire, y compris les langues des signes.
Il y a quelques décennies, peu d’éléments prédisposaient les spécialistes à recommander l’utilisation à la fois de la langue orale et de la langue des signes. Heureusement la science évolue: les études sur la cognition et les nouvelles découvertes linguistiques de ces dernières années ont permis l’émergence de nouvelles connaissances, et on sait maintenant qu’elle peut être bénéfique pour enfants sourds.
L’importance des gestes dans le développement du langage
Les gestes se développent tout naturellement chez les enfants, qu’ils soient sourds ou entendants. Dès l’âge de 8 mois, les enfants tendent des objets pour les donner quand on les demande, pointent vers les choses qu’ils veulent ou qui les intéressent, tendent les bras pour attraper un objet qu’ils désirent. Rapidement, l’enfant imite des actions avec des jouets (par exemple faire semblant de manger avec une cuillère) ou en l’absence de l’objet (par exemple faire semblant de lancer une balle). Plusieurs études ont montré des liens entre le fait d’utiliser les gestes naturels du langage et le développement du vocabulaire par la suite. Les gestes servent de soutien au développement des mots et peuvent parfois se combiner aux mots pour former des petites phrases. Le côté «gestuel» fait donc partie intégrante du développement typique du langage.
L’importance d’un riche environnement de langage
Les enfants qui naissent avec une surdité ont besoin, comme tous les enfants, d’être plongés dans un bain de langage, c’est-à-dire dans un environnement de langage le plus riche possible. Or, le fait qu’un enfant entendant puisse entendre tout ce qui se dit autour, même si ce n’est pas à lui qu’on s’adresse directement, même s’il a le dos tourné, même si les mots n’ont pas encore de sens pour lui, permet à son cerveau de développer sa sensibilité innée pour le langage. Les enfants sourds, particulièrement ceux dont la surdité est de degré sévère à profond (ce n’est pas le cas de la majorité des enfants sourds, rappelons-le), peuvent difficilement, même avec un appareillage auditif qui leur convient, «attraper en passant» tout le langage ambiant qui ne leur est pas directement adressé, surtout s’il y a du bruit de fond (télé, radio, personnes qui parlent en même temps, etc.)
Le langage peut prendre plusieurs formes: parlé, signé, écrit. Des études ont montré que le cerveau des jeunes enfants avait la même capacité à traiter l’information langagière, que celle-ci soit auditive (langue parlée (ou orale) ou visuelle (langue signée). D’autres études ont confirmé l’importance d’être exposé le plus tôt possible à une langue, puisque c’est en bas âge que le cerveau est le plus «réceptif» à la stimulation.
Ces dernières années, les techniques d’imagerie cérébrale ont beaucoup évolué et des recherches avec ces techniques ont confirmé l’importance pour le cerveau, d’être exposé de façon précoce au langage, c’est-à-dire à une langue, quelle qu’elle soit (orale ou signée).
D’autres recherches ont montré que l’acquisition tardive d’une langue première peut avoir des impacts négatifs pour les enfants, qu’ils aient ou non une surdité.
Il est donc primordial pour les enfants ayant une surdité, de bénéficier d’une exposition précoce à une langue accessible. C’est pourquoi, dans le contexte de la réadaptation auprès de la population francophone du Québec, les approches auprès des enfants qui ont une surdité de degré sévère à profond misent très souvent sur le développement précoce d’une capacité langagière de base, par le biais de la langue des signes, dès la confirmation du diagnostic de surdité. Les experts du domaine reconnaissent l’importance d’une exposition au langage le plus tôt possible, en utilisant une modalité qui est accessible à l’enfant sourd – mais qui peut demander au parent entendant un certain investissement. En effet, il faut aussi être capable d’offrir un modèle linguistique adéquat à son enfant et il faut pour cela être le plus compétent possible dans la langue à laquelle on expose l’enfant.
Enfin, précisons qu’il n’y a pas de langue qui soit totalement inaccessible aux enfants sourds. Toutefois, selon le degré de surdité, les enfants ont un accès variable aux différentes langues qui sont utilisées dans leur environnement immédiat. Pour les parents qui le désirent, la langue des signes québécoise est donc une option tout à fait valable pour exposer l’enfant sourd au langage, de manière précoce. Les parents qui sont entendants devront toutefois passer par un apprentissage de cette langue afin de donner un modèle de langage qui soit adéquat et suffisant pour l’enfant.
Conseil pratique
Comment aider votre enfant à développer son langage?
Conseils de stimulation 0 à 12 mois
• Appelez souvent l’enfant par son prénom (mais ne l’appelez pas pour rien !)
• Parlez souvent à l’enfant en le regardant dans les yeux
• Utilisez des phrases courtes et exagérez l’intonation
• Faites des comptines, répétez-les souvent et associez le rythme à des gestes (par exemple, faites bouger les bras ou les mains)
• Vers 4-5 mois, commencez à faire des jeux de «coucou»
• Faites semblant d’avoir une conversation : répondez à l’enfant quand il babille, imitez-le
• Nommez souvent les objets familiers en leur présence: jus, lait, couche, manger, etc.
• Mettez-vous à la hauteur de l’enfant pour lui parler
• Montrez des livres imagés à l’enfant, nommer les images et faites les bruits des animaux
Conseils de stimulation de 12 à 24 mois
• Nommez souvent les jouets préférés de l’enfant qu’il utilise pendant les jeux
• Décrivez ce que vous êtes en train de faire ou ce que l’enfant est en train de faire, nommez les actions
• Encouragez l’enfant quand il essaie de prononcer des mots nouveaux: OUI c’est un cami-on
• Lisez-lui de petites histoires
• NE demandez PAS sans arrêt à l’enfant c’est quoi ça ? pour le faire nommer
• NE forcez PAS l’enfant à répéter des mots (dis-le !)
La chose la plus importante, c’est d’avoir du plaisir à communiquer de la façon la plus
naturelle possible ! Soyez vous-même ! Ne forcez pas votre enfant !


