L’annonce de la surdité: mon monde vient de basculer
Quand l’audiologiste ou l’infirmière vous a annoncé la surdité de votre enfant, vous avez vécu de multiples émotions. Vous étiez heureux de la venue de ce petit être, mais l’enfant que vous aviez attendu est un enfant avec une surdité à qui vous devrez apprendre à se développer, mais aussi que vous aimerez, avec et par sa différence. Lorsque le diagnostic tombe, il vient avec un lot d’images et d’idées préconçues qui collent à l’enfant et qui orientent votre jugement. Certains professionnels de la santé utilisent des formules comme: «Je suis désolé de vous apprendre que…» ou encore «Votre enfant a échoué le test de dépistage». Ces mots ont un impact sur la façon dont vous entrez en contact avec cette nouvelle réalité. La différence de votre enfant, comme tout ce qui nous est inconnu, est sujette à des stéréotypes ou des préjugés ou même juste des idées reçues qui sont vos seules sources de référence pour comprendre ce qui vous arrive.
De plus, la surdité peut passer inaperçue, elle est en quelque sorte une différence «invisible»: l’enfant est en parfaite santé, il mange, il bouge et il marche, comme n’importe quel enfant… Cette caractéristique invisible peut alimenter le choc qui accompagne la découverte que votre enfant vit avec une surdité : comme parent, vous aurez peut-être de la difficulté à comprendre cette différence et à l’apprivoiser. Également, outre son caractère d’invisibilité, il faut savoir que la surdité n’est pas nécessairement héréditaire, ce qui fait en sorte qu’elle survient dans des familles qui ne connaissent rien de cette réalité.
Il est souhaitable de remettre en question les idées toutes faites que vous pouviez avoir au sujet de la surdité. L’acceptation de cette différence passe souvent par un processus de deuil, c’est-à-dire que vous devrez apprendre à accepter que votre enfant n’est pas l’enfant que vous attendiez, que votre famille ne sera pas la famille que vous aviez imaginée et que vous devrez ajuster vos attentes. Souvent, ce deuil est difficile à faire, justement parce que vous êtes devant l’inconnu. Sans repères, vous aurez à vous familiariser avec la surdité et ce qui vient avec : moyens de communication à mettre en place, nouveaux services à inscrire à l’agenda, nouveaux spécialistes à rencontrer, nouveaux mots à comprendre, etc.
Ce que dit la recherche
Il est possible que vous passiez rapidement par-dessus certaines émotions qui céderont la place à la joie et à l’espoir pour votre nouveau-né, mais rappelez-vous qu’il est aussi normal d’adopter une attitude de défense pour faire face aux émotions négatives que vous pouvez éprouver concernant la surdité de votre enfant.
• Certains parents refoulent leurs émotions ou dirigent leur colère et leur agressivité à l’endroit des professionnels qui sont vus comme des personnes qui veulent nuire à leur enfant.
• D’autres parents font plutôt comme si la différence n’existait pas; on dit qu’ils sont dans le déni, c’est-à-dire qu’ils nient ce qui arrive.
• D’autres encore idéalisent la différence de leur enfant.
• Certains parents veulent tellement que leur enfant soit «normal» qu’ils se jettent corps et âme dans divers exercices de réadaptation ou diverses thérapies afin de «réparer leur enfant» (il va entendre, il va parler).
• Surtout, plusieurs éprouvent de la culpabilité: «Qu’ai-je fait d’incorrect ? Est-ce de ma faute ou de celle de mon conjoint ou ma conjointe? Est-ce que j’ai trop attendu avant d’aller faire des tests? Est-ce que j’aurais dû insister davantage auprès de mon médecin pour qu’il évalue mon enfant ?».
• Enfin, d’autres parents éprouvent des craintes : «Mon enfant a-t-il autre chose en plus de la surdité ? Qu’est-ce qui va encore nous tomber sur la tête ?».
Journal intime
Témoignage audio - Maman
Transcription écrite du témoignage
Maman : “Le choc. Je pleure sans m’arrêter depuis qu’on a quitté l’hôpital hier après-midi. Je suis même pas certaine de m’être arrêtée de pleurer pendant la nuit. Mon chum a eu besoin qu’on aille chercher un second avis, une confirmation que le premier diagnostic était juste. J’ai l’impression d’avoir basculé dans le deuil dès que j’ai vu ma Grande qui passait le test d’audition : c’était tellement clair, d’un coup, qu’elle entendait pas. L’audiologiste envoyait des sons qui me paraissaient forts. Et elle: aucune réaction. Elle continuait à jouer. Le test avançait pis à chaque son, mon cœur tombait un peu plus.
On est tous les deux effondrés, mon chum et moi.”
Statistique
On peut affirmer qu’en général 9 enfants ayant une surdité sur 10 naissent dans une famille dont les parents non seulement entendent, mais n’ont eu que très peu, voir aucun contact avec des personnes sourdes avant la naissance de leur enfant.
Hintermair, M. (2000). « Hearing Impairment, Social Networks, and Coping : The Need for Families with Hearing-Impaired Children to Relate to other Parents and to Hearing Impaired Adults », American Annals of the Deaf, vol. 145, n° 1, 41-53.
Les émotions
La naissance d’un enfant est un événement heureux. Toutefois, plusieurs émotions accompagnent l’annonce de la surdité d’un enfant à ses parents: choc, incrédulité, panique, inquiétude, sentiment d’échec ou de dévalorisation. Certains parents vivront également de la tristesse, se sentiront déprimés, en colère, angoissés. D’autres encore traverseront des périodes de déception, de frustration et de culpabilité qui les amèneront à éprouver des sentiments de honte, à se replier sur eux-mêmes, à perdre leurs repères ou encore à refuser de croire à la surdité de l’enfant. Une très lourde charge émotive est liée au fait d’apprendre que votre enfant vit avec des incapacités. Cette acceptation ne se fait pas d’un seul coup et peut varier selon les parents. Vous et votre partenaire pouvez faire votre deuil à un rythme différent. Pendant cette période, plusieurs parents voient tout en noir et se renferment sur eux-mêmes.
Journal intime
Témoignage audio - Papa
Transcription écrite du témoignage
Papa: “Le diagnostic dit: surdité congénitale sévère. Mais d’où ça vient, ça? Y a pas de surdité dans ma famille ni dans la famille de ma blonde. Pis y’a pas que les vieux qui sont sourds? J’ai jamais vu ça, moi, un enfant avec un appareil auditif!“
Ces attitudes pourraient vous isoler ou vous empêcher de jouer un rôle important dans la réadaptation de votre enfant. Les comportements défensifs pourraient aussi vous plonger dans une attitude rigide et directive à l’égard de votre enfant, vous rendre trop exigeants par rapport à la réadaptation. Ces réactions peuvent alimenter votre culpabilité ou, du moins, vous donner le sentiment d’être impuissants et incompétents, ou encore vouloir tout contrôler et tout savoir, en ayant le sentiment qu’il faut toujours en faire plus. Vous risqueriez ainsi de vous déconnecter de votre enfant, d’avoir de la difficulté à vous attacher à lui et à apprendre à le connaître pour ce qu’il est.
Vous vivrez de fortes émotions faites de joies et de déceptions, de moments de stress et de grands soulagements. Ne restez pas seuls avec ces émotions, des gens et des ressources autour de vous sont là pour vous écouter. «Mais comment faire avec un enfant qui a une surdité ?», vous demandez-vous. Votre rôle demeure pourtant fondamentalement le même. Un enfant sourd, bien qu’il soit différent, reste un enfant que vous allez aimer. Essayez de ne pas lui coller une étiquette, mais aussi, prenez conscience de sa différence pour ce qu’elle est: une incapacité à entendre, c’est tout. Votre enfant a des qualités et une personnalité unique. Les sentiments que vous éprouvez à la suite de l’annonce de sa surdité ne doivent pas vous faire perdre de vue que votre relation avec votre enfant est le premier et le plus important des liens qu’il développera avec le monde qui l’entoure.
Témoignage
«Nous avons eu peur de l’avenir pour elle, pour nous, pour nos autres enfants. La peur est un sentiment effrayant: elle pousse à fuir et à refuser la réalité qui se met en place violemment. Qu’ai-je fait, ou qu’ai-je omis de faire, pour mériter ça? La culpabilité s’installe et c’est un occupant tenace. La peur fait perdre la plupart des repères : on ne croit plus ce en quoi on avait mis sa confiance, on ne peut plus sortir son imagination d’une situation qui parasite toutes les autres.»
Parents d’enfant handicapé, Charles Gardou (2012), p.48 (pas un cas de surdité), fin du 1er paragraphe.
Journal intime
Témoignage audio - Maman
Transcription écrite du témoignage
Maman : “Je me sens complètement perdue. J’ai l’impression d’être une capitaine qui part pour une traversée en voilier, qui s’imagine un voyage sur une mer tranquille, mais qui se retrouve finalement en pleine tempête.
L’angoisse. J’essaie de penser à autre chose, sinon, je recommence à pleurer. Une chose à la fois… Une chose à la fois…”





